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Saint-Laurent, Québec

 

COPROPRIÉTÉ ET LOCATION: LES RÈGLES PARTICULIÈRES

Me Serge Abud, avocat (Papineau et Associés)


 

Les règles en vigueur relativement au louage et au bail de logement s’appliquent à une unité de copropriété comme à tout autre logement. À ce sujet, nous renvoyons le lecteur aux dispositions pertinentes de la loi, soit d’abord les articles numéros 1851 à 1978 du Code civil du Québec (ci- après désigné «C.c.Q.» (1) puis, accessoirement, à l’ensemble de la Loi sur la Régie du logement. La compétence de ce dernier organisme est exclusive en première instance pour tout ce qui concerne un bail de logement.

 

Pour les fins du présent texte, nous nous intéresserons plus particulièrement à la façon dont les règles touchant la copropriété divise viennent affecter le louage autant en ce qui concerne le locateur, le locataire que le syndicat des copropriétaires.

 

Les droits et obligations du locataire

L’article 1057 C.c.Q. établit que le règlement de l’immeuble est opposable au locataire d’un fraction privative dès qu’un exemplaire lui est remis par le copropriétaire locateur ou par le syndicat(2). Le locataire doit donc respecter intégralement le règlement de l’immeuble. La remise du règlement de l’immeuble constitue donc le moment où commence son opposabilité au locataire. Le locateur ou le syndicat ne pourront, en principe, reprocher au locataire de ne pas respecter ce règlement avant qu’il ne l’ait connu. Le régisseur Me Pierre Therrien a cependant établi dans l’arrêt Briskin c. Fernandez(3) que le locateur n’a pas l’obligation de remettre une copie du règlement au locataire avant la signature du bail(4) pour qu’il lui soit opposable mais il doit quand même le faire dans un délai raisonnable.

 

L’importance du dévoilement du règlement au locataire peut s’avérer fondamentale en ce qui concerne la responsabilité civile du locateur. Par exemple, dans l’arrêt Tremblay c. Tremblay(5), le juge Michel Saint-Hilaire de la Cour du Québec a condamné le locateur à rembourser les dépenses diverses encourues par une locataire à qui il avait fait miroiter la possibilité d’exploiter un salon de coiffure dans une unité dont il était propriétaire. Le locateur n’avait pas révélé à sa locataire la teneur exacte du règlement de l’immeuble résidentiel qui, on s’en doute, l’interdisait clairement.

 

Les recours contre les tiers pour des troubles de jouissance causés au locataire ne pourront être exercés que par le locateur. Prenons l’exemple où un copropriétaire bruyant serait le voisin d’une unité occupée par un locataire. Celui-ci ne disposerait alors que d’un recours en diminution de loyer contre son locateur(6). Seul ce dernier pourrait exercer des recours contre l’autre copropriétaire ou encore réclamer du Syndicat qu’il fasse respecter le règlement de l’immeuble (qu’on présume favorable à la tranquillité!).

 

Les obligations du locateur

L’article 1065 C.c.Q. crée l’obligation pour le copropriétaire qui loue son unité de notifier le syndicat des copropriétaires de cette location et de lui donner le nom du locataire. Corrélativement, les noms de tous les locataires doivent être inclus dans le registre tenu par le syndicat en vertu de l’article 1070 C.c.Q.

 

Cette dernière obligation est minimale et on ne saurait trop recommander de procéder à une lecture attentive des dispositions pertinentes de la déclaration de copropriété qui, en fonction des particularités de l’immeuble, ajouteront d’autres exigences à celles de l’article 1065 C.c.Q. Par exemple, il serait possible que les baux de moins d’un an soient interdits(7) afin de préserver une certaine stabilité parmi les occupants de l’immeuble et d’éviter le constant va-et-vient de personnes inconnues des autres copropriétaires chez qui une telle situation pourrait causer une certaine insécurité.

 

Le syndicat et le locataire

Les relations entre le copropriétaire locateur et son syndicat demeurent pratiquement inchangées au plan juridique. Le copropriétaire demeure seul responsable des obligations qui lui incombent relativement par exemple aux charges communes ou au fonds de prévoyance. Pour sa part, le locataire n’ayant aucune relation contractuelle avec le syndicat, il ne saurait, comme nous l’avons déjà indiqué, formuler une réclamation auprès de lui afin qu’il fasse respecter la déclaration ou encore porter plainte contre lui devant les tribunaux à ce sujet(8). L’article 1066 C.c.Q. oblige tout de même le syndicat à fournir au locataire d’une partie privative les mêmes avis que ceux requis aux articles 1922 et 1931 C.c.Q., relativement aux réparations majeures ou urgentes ainsi qu’aux vingt-quatre heures de préavis requises avant d’effectuer des travaux au logement ou d’y effectuer une visite.

 

Par ailleurs, l’article 1079 C.c.Q. donne au syndicat le droit de demander la résiliation du bail d’une partie privative si le locataire «cause un préjudice sérieux à un copropriétaire ou à un autre occupant de l’immeuble». Le locateur, lui, peut demander la résiliation du bail en vertu de l’article 1863 C.c.Q..

 

Le nouvel acquéreur

Finalement, rappelons que le fait d’acquérir une unité déjà louée n’aura pas pour effet de vous soustraire aux obligations reliées au bail en vigueur et le fait d’être le nouveau locateur ne vous donnera en soi aucune justification supplémentaire vous permettant d’en demander la résiliation, à moins que vous ne souhaitiez vous y installer vous-même ou permettre à l’un des membres de votre famille au premier degré de le faire, comme dans le cas d’un locateur «régulier»(9).

 

Suite à la conversion d’un immeuble en copropriété divise

Dans le cas d’un logement converti, si le locataire était déjà en place au moment où l’avis d’intention de conversion(10) a été donné, le droit d’en reprendre possession ne peut plus être exercé contre ce locataire suite à la conversion, même par des acquéreurs subséquents(11).

 

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1- Le Code civil du Québec ainsi que tous les autres textes législatifs québécois peuvent facilement être consultés en ligne à l’adresse suivante: www.publicationsduquebec.gouv.qc.ca

2- En vertu de l’article 55 de la Loi sur l’application de la réforme du code civil, cette disposition s’applique aussi aux baux signés avant l’entrée en vigueur du Code civil du Québec, soit le 1 janvier 1994.

3- [1996] J.L. 139

4- C’est le cas pour le logement «ordinaire», voir l’article 1894 du Code civil

5- J.E. 99-411

6- Voir Picard c. Jacques, REJB 2002-35508

7- Voir Kilzi c. Syndicat des copropriétaires du 10 400 boul. l’Acadie, [1998] R.J.Q. 2393, REJB 1998-07598

8- Voir Syndicat des copropriétaires du Bief des Seigneurs,tour «D» c.Klein, J.E. 2003-2174, REJB  2003-49451

9- Voir l’article 1957 du Code civil

10- Voir l’article 52 de la Loi sur la Régie du Logement

11- Voir Laryea c. Boudjema, J.E. 2005-256, REJB 2005- 82633.

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CondoLiaison, volume 6, numéro 3