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LES PROMOTEURS D’IMMEUBLES EN COPROPRIÉTÉ ET L’APPÂT DES «PREMIERS ACHETEURS»

Élie Boridy, administrateur, 995 Muir, Saint-Laurent, Québec

(Le 28 mars 2015)


 

Qu’est-ce que les promoteurs d’immeubles en copropriété ne feraient pas de nos jours pour attirer une jeune clientèle!

 

Pour ces promoteurs, ces «premiers acheteurs», comme ils les qualifient parfois avec condescendance, sont une proie facile et intéressante, à en juger du nombre impressionnant d’appartements à une chambre à coucher et de «studios», au prix plus abordable, que l’on ne trouvait pas en aussi grand nombre autrefois.

 

L’argument le plus persuasif est aussi simple que logique : «pourquoi louer un appartement alors que vous pouvez devenir propriétaire d’un appartement neuf pour le prix du loyer, et pour une mise de fonds minimale?» Un raisonnement convaincant, en effet, surtout pour de jeunes couples dont les deux membres travaillent. La contribution de chacun aux versements du prêt hypothécaire serait ainsi plus raisonnable.

 

Mais les administrateurs de copropriété savent fort bien que l’incitation des promoteurs à devenir propriétaire auprès de ces jeunes couples est en fait une fausse représentation. Ils omettent de leur mentionner les lourdes implications financières de l’achat impulsif et non éclairé d’une copropriété. En général, ces jeunes couples, en début de carrière, vivent avec un budget limité qui résiste difficilement aux perturbations financières comme, par exemple, l’augmentation des taux d’intérêts hypothécaires.

 

Outre les versements du prêt hypothécaire, il y a les charges communes à payer au syndicat de la copropriété, que l’on appelle communément les «frais de condo». Pour mousser leurs ventes, les promoteurs minimisent invariablement les versements mensuels des « frais de condo ». Lorsque le syndicat de copropriété est formé, les copropriétaires ne tardent pas à se rendre compte que les versements faussement sous-estimés par le promoteur devraient en réalité être au moins doublés pour permettre au syndicat de couvrir les dépenses courantes de fonctionnement. Cette constatation vient toutefois un peu tard car, en général, le promoteur est déjà parti ou sur le point de partir, ayant vendu toutes les unités de l’immeuble et les acheteurs sont déjà installés. La situation est devenue irréversible!

 

Outre les versements du prêt hypothécaire et les «frais de condo», il y a aussi les droits de mutation sur lesquels les promoteurs sont en général muets même si cela représente souvent plusieurs milliers de dollars. Une autre surprise qui attend les acheteurs non avertis!

 

Outre les versements du prêt hypothécaire, les «frais de condo» et les droits de mutation, il y a également les incontournables taxes foncières et les taxes scolaires. À ce chapitre, le promoteur n’a pas beaucoup de marge de manœuvre s’il veut bien les dévoiler à l’acheteur éventuel. Un acheteur éclairé, ce qui n’est en général pas le cas pour de jeunes acheteurs, sait que ces taxes annuelles sont obtenues approximativement en divisant par 100 le prix de vente de la propriété. Souvent, pour ne pas effrayer les acheteurs et peut-être les perdre, le promoteur mentionne laconiquement que le montant reste à déterminer par la municipalité. Il veut surtout éviter de les informer qu’il y a une autre surprise qui les attend … plus tard!

 

Mais la plus grosse surprise qui attend les «premiers acheteurs» d’appartements en copropriété est leur contribution au fonds de prévoyance de l’immeuble choisi. Cette contribution est généralement comprise dans les charges communes ou les «frais de condo». Les médias rapportent régulièrement depuis quelques années les difficultés financières d’immeubles en copropriété qui se sont basés sur le minimum requis par le Code civil du Québec, soit un montant dérisoire représentant 5% du budget des dépenses courantes d’opération. Ce montant est effectivement dérisoire aussi bien pour les copropriétés en rangée que pour, et surtout, les immeubles en hauteur. Plusieurs études le confirment, en particulier celle commandée récemment par le Gouvernement du Québec sur laquelle sera basée vraisemblablement la nouvelle législation annoncée sur la copropriété au Québec. Ces études établissent plutôt la contribution collective annuelle des copropriétaires au fonds de prévoyance des immeubles en hauteur à environ 1% du coût de reconstruction de l’immeuble. Pour un immeuble évalué à dix millions de dollars, cette contribution serait de l’ordre de $100 000! Peu d’immeubles en copropriété consacrent un tel montant à leur fonds de prévoyance. Si l’on considère un immeuble de dix millions de dollars de 50 unités, la contribution mensuelle moyenne de chaque unité au fonds de prévoyance serait de $167. Dans certains immeubles, cela reviendrait à doubler les «frais de condo»!

 

Donc, outre les versements du prêt hypothécaire, les «frais de condo» déjà largement sous-estimés par le promoteur, les droits de mutation souvent passés sous silence, les taxes foncières et scolaires à évaluer plus tard, il y a la contribution appréciable au fonds de prévoyance qui risque de doubler les «frais de condo»! Si j’étais un «premier acheteur», j’attendrai d’avoir les reins plus solides financièrement avant de me lancer dans cette aventure, ou plutôt dans cette mésaventure ...

 

L’appât du gain de certains promoteurs d’immeubles en copropriété a des effets néfastes quasi permanents sur le fonctionnement des syndicats de copropriété. Une fois le promoteur disparu du paysage, ce sont eux en effet qui doivent faire face à la grogne des copropriétaires «premiers acheteurs» à chaque augmentation des «frais de condo». Souvent, ce type de locataire déguisé en copropriétaire vit à la limite de ses moyens, et parfois au-dessus. Certains administrateurs de syndicats reculent lamentablement devant cette grogne pour ne pas susciter le mécontentement des copropriétaires. Évidemment, la qualité des services et l’entretien de l’immeuble s’en ressentent et la spirale descendante s’en suit. D’autres administrateurs, plus courageux, résistent mais à un prix parfois chèrement payé.

 

Les difficultés de ce genre, laissées en héritage par des promoteurs peu scrupuleux, sont cycliques. Bien entendu, les «premiers acheteurs» cessent de l’être éventuellement et se lancent dans d’autres aventures après quelques années. Ils sont remplacés par d’autres «premiers acheteurs», cette fois-ci encouragés par des agents d’immeubles animés, tout comme les promoteurs, par la seule volonté de conclure rapidement une vente.

 

Et l’histoire recommence …