LE FONDS DE PRÉVOYANCE: UN COUP DE DÉ OU LE RÉSULTAT D’UNE GESTION PLANIFIÉE ?
Lorraine BRAY et Richard PRESSEAULT (1)
À l’occasion du lancement du bulletin trimestriel du RGCQ, nous abordons comme premier sujet de cette chronique l’établissement du pourcentage de la contribution des copropriétaires au fonds de prévoyance.
Rappelons en premier lieu que le fonds de prévoyance est constitué d’un certain pourcentage des sommes perçues à même les charges communes; ces sommes sont accumulées en vue du remplacement ou de la réparation d’éléments majeurs de l’immeuble tels les ouvrages de maçonnerie, la toiture, les ouvertures (fenêtres, portes, etc., le cas échéant), les balcons, les ouvrages structuraux et de tout autre élément mécanique (chauffage, piscine, distribution électrique, plomberie, interphone, etc.) desservant les parties communes et, dans certaines limites, les parties privatives.
Le Code civil du Québec (art. 1071 C.c.Q) impose au Syndicat l’obligation de constituer un fonds de prévoyance distinct du fonds d’administration générale dans lequel sont déposées et investies par le gestionnaire de l’immeuble, les sommes perçues des copropriétaires, dans des placements présumés sûrs (art. 1339 C.c.Q), encaissables dans les 30 jours du dépôt ou pour un terme plus long, si le dépôt est pleinement garanti par la Régie de l’assurance-dépôts du Québec (art. 1341 C.c.Q).
Parce qu’elle est essentielle, la constitution d’un tel fonds ne peut être, selon nous, le fruit de l’application pure et simple des paramètres minimaux définis par la déclaration de copropriété et le Code, pas plus qu’elle ne peut être le simple effet du hasard. Le gestionnaire - dans le cadre de son travail - doit porter une attention particulière aux recommandations qu’il fait au Conseil d’administration quant à la détermination du pourcentage des charges communes versées au fonds de prévoyance.
Comment le gestionnaire peut-il déterminer de façon réaliste la contribution des copropriétaires au fonds de prévoyance? Nous voulons proposer ici une philosophie de gestion du fonds de prévoyance développée selon une approche innovatrice et logique.
À notre avis, le pourcentage à verser devrait résulter d’une opinion professionnelle quant à l’état de la bâtisse, évaluation préparée par une équipe multidisciplinaire composée d’un architecte, d’un ingénieur, d’un actuaire et d’un juriste.
Après avoir effectué un examen minutieux de l’immeuble et de ses dépendances sous tous ses angles, l’équipe fera rapport au gestionnaire des constatations faites et proposera les solutions qui s’imposent. C’est ce document qui servira de base à la préparation d’un budget quinquennal d’immobilisation découlant des recommandations qu’il contient. Il deviendra pour le gestionnaire l’outil de référence pour la préparation de ses budgets et pour la planification des besoins financiers du Syndicat en termes de dépenses en immobilisations. Le gestionnaire, appuyé par les informations contenues au rapport, sera alors en mesure de faire ses recommandations au Conseil d’administration.
Enfin, avec en main cette analyse et les besoins chiffrés estimés au rapport, en vue de la réparation ou du remplacement d’éléments majeurs, le gestionnaire – en accord avec le Conseil d’administration et les copropriétaires – reverra à la hausse ou à la baisse la portion des charges communes destinée au fonds de prévoyance.
Par la suite, ce document que nous appellerons Rapport de l’état de l’immeuble sera mis à la disposition des copropriétaires pour qu’ils puissent le consulter au même titre que les états financiers. Les informations qui y sont contenues leur permettront, de plus, de connaître et d’évaluer l’état de leur immeuble.
Pourquoi proposer des cotisations spéciales alors que le fonds de prévoyance peut être provisionné pour pourvoir aux besoins en immobilisations du Syndicat?
Il va de soi de constater que l’âge réel de l’immeuble et son état de désuétude influencent l’importance des contributions au fonds de prévoyance.
Dans le cas d’un immeuble bien entretenu ou qui vient d’être livré par le promoteur, il est normal de voir le pourcentage de contribution près du minimum imposé par le Code et qui est de 5% présentement. Par contre, lorsque l’entretien des parties communes a été différé, le manque de vision des administrateurs du Syndicat entraînera nécessairement un pourcentage de contributions beaucoup plus élevé, voisinant parfois la barre des 10%.
L’établissement d’un échéancier reprenant les interventions recommandées, en séquence de réalisation et la mise en application d’un programme d’entretien préventif permettent de conserver l’immeuble en bon état de sorte que les unités ne subissent pas de dépréciation en raison de la désuétude des parties communes.
Dans une copropriété qui s’impose une politique d’immobilisation financée par les contributions au fonds de prévoyance, la levée de cotisations spéciales deviendrait pratiquement inexistante, les contributions étant régulièrement ajustées en fonction des besoins établis au Rapport de l’état de l’immeuble.
Voilà une politique gagnante, autant pour le Conseil d’administration qui est en mesure de suivre l’évolution du dossier et d’en faire rapport aux copropriétaires que pour le gestionnaire qui inscrit ses recommandations dans les limites de sa gestion. Plus de surprises ni de divergences d’opinions.
Conclusion
Nous ne cesserons jamais de rappeler aux gestionnaires et aux administrateurs que l’enjeu le plus important demeure la préservation de l’immeuble et qu’il y va de leur responsabilité professionnelle de protéger le patrimoine des copropriétaires. L’entretien préventif des installations physiques évite le casse-tête de la cotisation spéciale soudainement requise par des travaux urgents non prévus dans le plan d’entretien à long terme, à supposer qu’il y en ait un. Une planification soignée des immobilisations à venir entraînera nécessairement le financement de ces dépenses par le biais du fonds de prévoyance.
Malheureusement, comme toute règle a son exception, il pourrait toutefois s’avérer impossible, dans certains cas, d’appliquer le principe énoncé ici. Par exemple, des travaux majeurs devant être effectués lors d’une mise aux normes imposée par les autorités réglementaires, pourraient se chiffrer bien en dessus de la capacité du Syndicat d’amasser à court terme de telles sommes. Une alternative pourra alors être envisagée: le financement bancaire fondé sur la santé financière et physique de l’immeuble. Nous reviendrons sur le financement de travaux majeurs dès qu’une étude de ce dossier aura été complétée en collaboration avec des institutions bancaires.
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(1) - Lorraine Bray est gestionnaire et consultante auprès des syndicats de copropriété en démarrage et Richard Presseault est administrateur de copropriété et directeur général du RGCQ. DeGrandpré - Chaurette - Lévesque ont collaboré à la préparation de cet article.
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CondoLiaison, volume 1, numéro 1