L'IMPRÉVOYANCE DES COPROPRIÉTAIRES: DES NUAGES À L'HORIZON
Pierre Vigneault (lavoixpop.com, 6 octobre 2006)
La semaine dernière, l’émission La Facture, sur les ondes de Radio-Canada, a diffusé un long reportage sur les difficultés vécues par les propriétaires de certains condos, à l’Île-des-Sœurs. Ces personnes sont aux prises avec un problème assez répandu, au Québec: le contrôle inadéquat dans la gestion des immeubles en copropriétés.
Ce n’est pas la première fois que des médias d’information abordent ce dossier. Le Magazine a d’ailleurs publié plusieurs textes à ce sujet, dans le cadre d’une série de chroniques rédigées par l’avocat Yves Joli-Cœur, un spécialiste de la question. Les problèmes, les lacunes qu’il soulignait alors sont identiques à ceux qu’il a commentés dans le reportage de La Facture.
Dans le cas décrit par Radio-Canada, il s’agit de condos situés dans l’immeuble Les Jardins de l’Archipel, construit au début des années 80. L’édifice a subi des dommages importants, qui devaient être réparés, mais l’association des copropriétaires n’avait pas accumulé les fonds de réserve requis pour parer à une telle éventualité. Conséquence: les propriétaires actuels doivent investir des sommes considérables pour renflouer la caisse.
Dans un quartier comme celui-ci, un tel reportage peut avoir des effets très négatifs sur le marché immobilier. La majorité des unités d’habitation, à L’Île-des-Sœurs, sont des condos; il s’en achète et s’en vend plusieurs centaines par année. Faut-il en conclure que ce type de propriétés est à éviter? Je ne le crois pas et c’est aussi l’avis de la majorité des gens qui s’y connaissent. Cependant, l’achat d’une propriété est toujours un investissement important et, dans le cas d’un condo, les facteurs à considérer sont encore plus nombreux et pas toujours évidents.
Que l’on achète une maison unifamiliale ou un condo, il faut s’attendre à ce que des travaux d’entretien importants soient requis, au fil des ans. La qualité de la construction, la réputation du promoteur sont des facteurs qui peuvent influencer considérablement ces coûts, mais ils ne sont pas les seuls.
Dans le cas des immeubles en copropriété, l’acheteur doit confier à des tiers le contrôle des fonds requis pour faire face aux besoins en réparation et en entretien de l’immeuble. Les personnes qui acceptent ces fonctions doivent parfois gérer des millions de dollars, mais aucune loi n’existe, présentement, pour s’assurer de leur compétence et même, de leur intégrité.
Il faut dire, d’ailleurs, que les copropriétaires sont souvent les premiers à blâmer pour leurs malheurs. Créer un fonds de prévoyance, pour des réparations futures, ce n’est pas toujours la priorité des nouveaux occupants d’un immeuble... Il leur faudrait investir de l’argent qui risque fort de profiter à d’autres, et ce, dans un marché où les immeubles changent souvent de propriétaires.
Les sommes astronomiques que l’on doit consacrer aux réparations décrites dans le reportage de La Facture auraient dû être en grande partie acquittées par les occupants antérieurs de l’immeuble en question, mais il est impossible de reculer dans le temps. Il appartient donc aux acheteurs de s’assurer que le fonds de prévoyance est suffisant pour faire face à toutes les éventualités. Ils n’ont pas tous cette préoccupation et, d’ailleurs, ont-ils accès à toutes les informations qui pourraient leur être utiles?
Je suis entièrement d’accord avec Me Joli-Cœur, quand il soutient que ce n’est pas l’ensemble de la population qui doit faire les frais de l’imprévoyance de certains gestionnaires et propriétaires d’immeubles en copropriété. Cependant, le gouvernement a la responsabilité de mieux encadrer ce marché, afin de préserver les consommateurs, et il tarde à le faire. Les constructeurs sérieux et responsables ne se plaindraient certainement pas d’une telle intervention; elle contribuerait d’ailleurs à assainir le marché. Dans les années qui viennent, les condos construits dans les années 80 commenceront à prendre de l’âge.
Il ne faut pas attendre que leurs propriétaires soient tous aux prises avec des problèmes insurmontables avant de leur appliquer des solutions.