«FRAIS DE CONDO» OU CHARGES COMMUNES ?
Élie Boridy, administrateur, Syndicat des copropriétaires du 995 Muir
Arrondissement Saint-Laurent, Montréal
Il est regrettable que dans le monde de la copropriété (et au Québec) on utilise couramment le terme «frais de condo» pour désigner les contributions mensuelles payées par chaque copropriétaire pour opérer l’immeuble dans lequel il possède un appartement et une fraction des parties communes. Il s'agit là d'une traduction littérale du terme anglais «condo fees», également inapproprié.
Le mot anglais «fees» implique en effet qu’une somme d’argent est payée à une tierce personne pour des services rendus, un avocat ou un comptable par exemple. Mais dans la vie en copropriété, il n’y a pas de tierces personnes. Il y a seulement des copropriétaires qui contribuent ensemble au coût d’opération d’une demeure commune et au paiement de factures communes. De plus, le mot «condo» dans «frais de condo» est une abréviation également empruntée à la langue anglaise pour désigner une unité de «condominium», c'est-à-dire un immeuble en copropriété.
L’utilisation du terme «condo fees» et, par conséquent «frais de condo», nourrit par ailleurs la mentalité malsaine selon laquelle il y a, d’un côté, les administrateurs de l’immeuble et, de l’autre, les copropriétaires auxquels les administrateurs imposent leur volonté et des augmentations des charges mensuelles. Rien de plus faux car les administrateurs sont également et avant tout des copropriétaires qui contribuent, eux aussi, au coût d’opération de l’immeuble. Et si ce coût augmente, les administrateurs subissent cette augmentation au même titre que tous les autres copropriétaires.
Le terme inapproprié «condo fees» ou «frais de condo» contribue également à perpétuer la fausse croyance que plus ces «frais» sont bas, mieux c’est, alors que des contributions mensuelles plus élevées pourraient simplement indiquer que l’immeuble est mieux administré que d’autres et que ces contributions servent à garnir un fonds de prévoyance adéquat, évitant ainsi l’imposition de cotisations spéciales indésirables.
Les termes «charges communes» ou «contributions mensuelles» sont plus justes que «frais de condo». Ils reflètent mieux la réalité car ils représentent effectivement la part de chaque copropriétaire dans le coût réel d’opération de l’immeuble détenu en copropriété. En aucun cas, ces contributions ne représentent des «fees» ou des «frais» payés à un tiers.
Il est difficile d’enrayer une habitude profondément ancrée dans le vocabulaire depuis plusieurs décennies, au point qu’un terme inapproprié tel que l'anglicisme «frais de condo» est souvent mieux compris que le terme français juste. Il n’en demeure pas moins que le terme «frais de condo» n’est pas correct, en français comme en anglais, et ne dit pas ce qu’il voudrait en réalité dire. C’est pourquoi, lorsque nous l’utilisons, nous le mettons entre guillemets.