LES DÉGÂTS CAUSÉS PAR UN FILTREUR D'EAU, RESPONSABILITÉ, ASSURANCE ET FRANCHISE
COUR DU QUÉBEC
«Division des petites créances»
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE LAVAL
LOCALITÉ DE LAVAL
«Chambre civile»
N°: 540-32-014293-045
DATE: 4 mai 2005
SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE MICHÈLINE SASSEVILLE, J.C.Q.
SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DU LAURIER DE L’ILE PATON
Partie demanderesse
c.
MARCEL NOEL
Partie défenderesse
et
MELOCHE MONNEX SÉCURITÉ NATIONALE
En garantie
JUGEMENT
[1] La partie demanderesse est un syndicat de propriété. Elle représente les propriétaires d’un immeuble à habitations multiples portant les numéros civiques 4480 et 4490 Promenade Paton à Laval.
[2] Elle réclame un montant de 2 500,00$ correspondant à la franchise qu’elle a dû assumer suite à des dommages causés à l’immeuble par le défendeur, lui-même copropriétaire et résident à cet endroit. Elle réclame en sus 72,00$ pour du salaire versé en supplément à son concierge.
Les faits
[3] Les faits suivants font l’objet d’admissions par les parties.
Le 6 décembre 2002, vers 17h00, le filtreur d’eau de l’appartement #201, appartenant à M. Marcel Noël, a fait défaut et a causé un écoulement d’eau qui a atteint les appartements inférieurs #101 et #001.
L’appartement #101 constitue une fraction de la copropriété appartenant à Mme Éliane Corbeil.
L’appartement #001 constitue une fraction de la copropriété appartenant au syndicat et qui est à l’usage du concierge, M. Claude Massé qui est à l’emploi du syndicat.
Dans l’appartement #201, (M. Marcel Noël), l’écoulement d’eau a causé des dommages aux parties communes de l’immeuble qui sont sous la juridiction du syndicat et aux biens personnels des copropriétaires.
Dans l’appartement #101, (Mme Éliane Corbeil), l’écoulement d’eau a causé des dommages aux parties communes qui sont sous la juridiction du syndicat seulement.
Dans l’appartement #001 (Syndicat et M. Claude Massé), l’écoulement d’eau a causé des dommages aux parties communes qui sont sous la juridiction du syndicat seulement.
Les travaux de réparations des parties communes ont été réalisés par la firme: «Les Entreprises de Construction Gavtech Inc.» à la grande satisfaction de tous les concernés.
Le 5 mars 2003, le syndicat a émis un chèque au montant de 2 500$ (P-6) en faveur de la firme: «Gavtech Inc.» couvrant la franchise au montant de 2 500$ tel qu’indiqué à la facture du 25 février 2003 (P-4) et au certificat d’assurance en vigueur (P-5).
Le 5 mars 2003, le syndicat a émis un chèque au montant de 72.00$ (P-10) en faveur de M. Claude Massé, en conformité avec le montant de sa facture en date du 10 décembre 2002 (P-9), pour son surtemps lors de la journée de l’événement. Cette dépense très bien justifiée dans les circonstances n’est pas recevable au contrat d’assurance du syndicat.
[4] Le syndicat a été indemnisé par son assureur, sujet à la franchise de 2 500$, laquelle fait l’objet de la présente réclamation.
[5] Pour sa part, le défendeur formule un appel en garantie contre son assureur, Meloche Monnex Sécurité Nationale qui l’a déjà indemnisé pour sa partie privative mais qui refuse de payer le plein montant réclamé par le Syndicat.
[6] Cet assureur présente une défense de coassurance. Il offre de payer le tiers de la réclamation, soit 833,33$, plus les frais de 72,00$, en alléguant que les assureurs des copropriétaires des étages inférieurs doivent assumer chacun une même quote-part, en vertu des règles de la convention du Bureau d’assurance du Canada.
Analyse et discussion
[7] En l’espèce, la déclaration de copropriété dispose notamment de ce qui suit:
7.2 Responsabilité: chaque copropriétaire est responsable, à l’égard des autres copropriétaires des conséquences dommageables et/ou de ses préposés invités ou membres de sa famille, ou des dommages causés par un bien dont il est légalement responsable.
9.2 … […]
Chaque copropriétaire est responsable des dommages causés aux parties communes ou à d’autres parties exclusives, lorsque ces dommages se sont produits parce que ce propriétaire n’a pas entretenu ou réparé convenablement sa partie exclusive. Le copropriétaire ne sera toutefois pas tenu responsable si ces dommages ont été causés à des parties communes et que le coût des réparations est entièrement assumé par une compagnie d’assurance en vertu d’une police souscrite par les administrateurs, conformément aux dispositions de la présente déclaration.
9.3 Réparations aux parties communes par les administrateurs.
Les administrateurs doivent réparer les parties communes lorsque celles-ci sont endommagées (sont parties communes aux fins des présentes, l’extérieur des fenêtres et des portes permettant l’entrée et la sortie des parties exclusives); les coûts de ces réparations sont réputés charges communes, le tout sujet aux droits des administrateurs de réclamer au copropriétaire responsable le coût de ces réparations, conformément aux dispositions de la présente Déclaration. Les administrateurs ont le droit de réclamer le coût des réparations ainsi que les honoraires légaux et les frais de collection, plus les intérêts sur ces sommes dépensées par es administrateurs, au taux de 3% l’an de plus que le taux d’intérêt consenti aux Banques à Chartre par la Banque du Canada au moment du défaut de non paiement.
13.1 Par les administrateurs
Les administrateurs doivent souscrire et maintenir en vigueur les assurances suivantes, et ils peuvent à ces fins, souscrire plusieurs polices d’assurance:
13.1.1 Une assurance contre l’incendie et les risques multiples et toute autre assurance considérée nécessaire par les administrateurs, aux fins d’assurer la pleine valeur de remplacement sans amortissement, déductions ou dépréciation de:
13.1.1.1 Toutes les parties communes, et,
13.1.1.2 Tous les biens mobiliers acquis par les administrateurs au nom des copropriétaires, aux fins communes;
13.1.2 Une assurance contre l’incendie et les risques multiples ainsi que toute autre assurance considérée nécessaire pour assurer la pleine valeur de remplacement, sans déduction ni dépréciation, de toutes les parties exclusives…
13.1.3 Les polices d’assurances requises par les paragraphes 13.1.1 et 13.1.2 qui précèdent doivent assurer les intérêts des copropriétaires et des administrateurs…Tout police d’assurance contractée par les administrateurs doit contenir les dispositions suivantes:
13.1.3.3 Une renonciation par l’assureur à toute exception ou défense basée sur la co-assurance ou sur l’annulation de la police à cause des faits, actes ou omissions des assurés ou de toute violation statutaire, acte illégal ou irrégulier des administrateurs ou des copropriétaires.
13.1.3.4 Une clause à l’effet qu’une couverture de cette police ne peut être mise en contribution avec une autre assurance qui pourrait avoir été souscrite par un copropriétaire ou un créancier hypothécaire, cette dernière n’étant que supplémentaire.
13.4.2 Il relève de la responsabilité de chaque copropriétaire de souscrire et de maintenir en vigueur une assurance responsabilité couvrant tous les aspects de sa responsabilité civile qui ne sont pas couverts par les polices d’assurance souscrites par les administrateurs…
14.1 Chaque copropriétaire doit indemniser les administrateurs de toute perte, coût, frais, dommage, blessure et responsabilité de toute nature causés aux parties communes ou subis par les administrateurs ou par un autre copropriétaire par la faute de ce copropriétaire, sa famille ou un membre de celle-ci, un occupant de sa partie exclusive, un préposé ou un serviteur, un invité ou une personne se rendant à la partie exclusive de ce copropriétaire, le tout sauf les pertes, coûts, frais, dommages, blessures et responsabilité causés par un assuré (tel que défini dans une police d’assurance) couvert par une police d’assurance souscrite par les administrateurs.
[8] Ces clauses de la déclaration tout en étant conformes aux exigences prescrites par l’article 1073 du Code civil du Québec n’écartent pas les conséquences de la responsabilité du copropriétaire, auteur des dommages, pour les montants non couverts par la protection des assurances souscrites par les administrateurs.
[9] Comme le soulignait le juge Richard Landry, J.C.Q. dans la cause Syndicat des Copropriétaires des Terrasses Lulli c. Stéphane Fortin et al [1]:
« Les montants non couverts, telle la franchise, constituent une perte dont l’intimée est redevable à la partie requérante […] Il serait d’ailleurs contraire aux règles fondamentales applicables en droit civil que de demander à l’ensemble des copropriétaires d’assumer la perte résultant directement de la faute de l’un d’entre eux.»
[10] Le juge Landry cite un article écrit par Me Yves Jolicoeur dans le bulletin d’information Condoliaison [2] dans lequel cet auteur s’exprime ainsi au sujet de la responsabilité des copropriétaires:
«Soulignons seulement le cas des copropriétaires qui causent des dommages à autrui (chauffe-eau défectueux ou non remplacé à l’expiration de sa durée de vie, fenêtres laissées ouvertes, etc.) source de nombreux problèmes pour le Syndicat. Rappelons que ce dernier est habilité à poursuivre ces copropriétaires fautifs pour recouvrer sa franchise (la portion: «déductible») de la couverture d’assurance.»
[11] En l’espèce, le défendeur est assuré pour le risque qui s’est réalisé, et il n’y a aucune raison que son assureur contre lequel il a formulé une demande en garantie ne couvre pas le montant de la franchise de 2 500,00$ pour le dommage qu’il a causé.
[12] Par ailleurs, comme l’assureur de la copropriétaire de l’appartement #101, soit la compagnie Aviva, a déjà payé volontairement au Syndicat une quote-part de la franchise, soit 833,33$, il y a lieu de réduire dans une proportion équivalente le montant qui sera adjugé.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
ACCUEILLE en partie la demande principale ainsi que la demande en garantie.
CONDAMNE Meloche Monnex Sécurité Nationale compagnie d’assurance à payer au demandeur la somme de 1 666,67$ portant intérêt au taux légal, majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec et ce, à compter de l’assignation, ainsi que les frais judiciaires au montant de 130$.
Micheline Sasseville, J.C.Q.
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[1] 5 juillet 2001, 540-32-009025-006 Laval
[2] Publié parle Regroupement des gestionnaires de copropriété du Québec, été 2000, vol.1, no.2
Source: www.jugements.qc.ca